Relecture de l’intervention de Roland Janvier lors du colloque du Céapsy

Le 24 Novembre 2022, le Céapsy organisait son 3è colloque sur le thème « Santé mentale : Ensemble sur les rails de la transition inclusive ». Cet évènement proposait d’explorer les différents enjeux de l’approche inclusive appliquée au champ de la santé mentale.  

À cette occasion...

...Nous avons eu le plaisir d’accueillir Roland Janvier (chercheur en sciences sociales, docteur HDR en sciences de l'information et de la communication, auteur d'ouvrages sur le travail social, le droit des usagers, la fonction de direction). Son intervention intitulée « Virage inclusif : vers une société sans rejet » (disponible sur la chaîne YouTube du Céapsy et au format texte sur le blog de l’auteur) a servi d’introduction thématique à cette journée, et plus encore de support de réflexion inspirant pour l’ensemble des acteurs de la santé mentale. 

Un constat

La notion d’intégration qui impose aux personnes concernées de s’adapter à une norme, ne suffit plus à penser l’espace commun. C’est ce constat qui sous-tend l’appel à une transition inclusive. Le Céapsy, au premier chef, souhaite se saisir de cette approche pour analyser ses modalités d’actions et entrevoir les ajustements nécessaires à la structuration d’un dispositif qui promeut l’inclusion sans rejet. En effet, 3 mois après l’évènement, les propos employés et les parallèles de l’intervenant avec les enjeux écologiques raisonnent avec les actions du Centre Ressources et ses perspectives de développement :  

"On ne peut pas trouver une solution unique, mais nécessairement tenir compte toujours des interactions et des effets systémiques de chacune des solutions qu’on pourrait penser."

Roland Janvier propose une approche radicalement différente de l’accompagnement des personnes où la notion même de handicap s’effacerait dans le cadre d’une société inclusive qui aura réussi à dépasser ce qu’il nomme la « rationalité instrumentale » (idée selon laquelle il existerait une solution unique et pertinente aux problématiques). 

En 2018, le Céapsy faisait le constat que son public sollicitait majoritairement sa permanence d’orientation avec un besoin relatif à une dimension spécifique (soin, logement, emploi, ...). Pourtant, dans la dynamique de l’entretien, l’exploration des autres dimensions de la vie des personnes laisse paraître des besoins non exprimés qui participent de cette approche globale et systémique. En cela, les réponses apportées aux sollicitations sont nécessairement multiples.  

"Même si cette orientation sociétale de l’action n’exclut pas les mesures d’accompagnement, de soutien, de compensation, c’est bien l’école, le monde du travail, la formation, la culture, l’urbanisme, le monde de la santé, etc. qu’il faut transformer pour mieux accueillir et intégrer les personnes en situation de handicap."

Le concept de « biodiversité » défendu par l’auteur nous invite à penser l’approche inclusive au-delà du médico-social et intégrer à l’action envers tous les acteurs extérieurs. Si le « soin » constitue le principal motif de sollicitation des permanences du Céapsy, le dispositif s’est progressivement ouvert au recensement d’autres ressources qui occupent une place importante dans le quotidien des personnes : emploi, logement, entraide, loisirs, répit, formation...  

À notre échelle, cette approche justifierait la réalisation d’un « pas » vers des espaces peu fréquentés comme le monde de l’entreprise ou encore celui de l’éducation pour y promouvoir les principes de l’inclusion et enrichir les pratiques qui y ont cours.  

"Cette perspective (L’éco-diversité) renvoie aux recherches en cours sur la notion de design. C’est à dire la manière dont les environnements sont ou non en cohérence avec les objectifs visés, s’ils contribuent ou non à faciliter leur atteinte."

S’interroger sur la pertinence des réponses aux besoins d’accompagnement des personnes permet aux acteurs de s’assurer que leurs actions sont en adéquation avec l’objectif principal : le mieux-être des personnes. En Île-de-France, le projet « Transformation de l’Offre » (TO) porté par l’ARS vise notamment à accompagner les ESMS franciliens à intégrer les principes de la transition inclusive pour encourager une évolution dans les pratiques d’accompagnement des personnes en situation de handicap. Transposée au champ de la santé mentale, cette approche fait écho aux pratiques orientées rétablissement qui contribuent à de profonds changements dans les modes de prise en charge, notamment via un changement radical de perspective sur la place et le rôle actif des personnes concernées.  

"Si dans la nature tous les éléments sont inscrits dans un cycle où chaque produit est ressource pour d’autres, nous devons affirmer que dans la société chacun est ressource pour l’ensemble du corps social […] Les personnes en situation de handicap sont des personnes ressources que le système social ne sait pas utiliser, que les rapports sociaux ne parviennent pas à valoriser."

En effet, pour les publics concernés, le passage du statut « destinataires » d’un service à « productrices » de ressources pour elles même et pour les autres est au centre du projet de société sans rejet des différences. Ainsi, l’émergence de la pair aidance professionnelle et par là même de la reconnaissance des savoirs expérientiels comme ressource complémentaire à l’accompagnement s’inscrivent dans la continuité de l’idée de cycle naturel où chaque « produit » est légitime car utile à l’ensemble. Dès lors, la promotion et la valorisation de ces pratiques devient un levier d’acculturation collective permettant à tous les acteurs de se familiariser à ces enjeux.  

"Nous portons peut-être une responsabilité de ne pas être en mesure de suffisamment valoriser ce que peut apporter cette intégration."

À cet égard, nous nous reconnaissons dans cette responsabilité collective des acteurs du champ de la santé mentale de contribuer à faire savoir ce que peuvent apporter les établissements et services d’accompagnement (dont les personnes bénéficiaires) à la société. Plus qu’une publicité, il s’agit avant tout de mettre en lumière les idées, pratiques et innovations dont font preuve les services et leurs publics et qui contribue à construire un projet de société inclusive. Pour reprendre les mots de Rolland Janvier : « Les établissements et services doivent devenir des laboratoires où s’initie la société de demain dont nous aurons besoin, des laboratoires du vivre-ensemble ».

Nous conclurons en évoquant le fait que cette intervention nous offre à tous l’opportunité de penser nos actions à travers le prisme de la société inclusive. Le parallèle écologique sonne en effet comme un défi, une invitation à une introspection institutionnelle et professionnelle afin de cheminer vers ce projet de société.  

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Septembre 2023