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Le dossier des clics

Quelles évolutions dans les pratiques depuis la crise sanitaire : l’exemple des "GEM"

 

 

Depuis mars 2020 et le début de la pandémie, les dispositifs d’accompagnement des personnes en situation de souffrance psychique s’efforcent de conserver un fonctionnement constant afin de préserver la santé de leurs usagers.

 

Face à une crise qui génère beaucoup d’incertitudes, les institutions et les professionnels qui les animent ont vu leur cadre d’exercice fortement altéré. Et si le contexte a permis d’expérimenter de nouvelles formes d’accompagnement (notamment le distanciel), plusieurs problématiques liées à cette crise sanitaire entravent encore le bon fonctionnement des structures.

 

Aujourd’hui, le Céapsy a mis la focale sur les GEM d’Île-de-France en leur posant la question suivante : comment la crise sanitaire a-t-elle impacté votre activité au GEM et vos modalités d’interaction avec les adhérents ? 

 

Les GEM, Groupes d'Entraide Mutuelle

Les groupes d’entraide mutuelle sont des associations au sein desquels les personnes concernées par la santé mentale se réunissent dans une démarche d’entraide et de convivialité. Ces espaces permettent ainsi à des personnes confrontées à des problématiques similaires de socialiser avec des pairs à travers des activités, divertissantes, variées et fédératrices faisant du GEM un levier contre l’isolement. Structures souples et ouvertes par définition, les GEM ont connu une période très difficile lors de l’épidémie de la Covid-19 qui a beaucoup restreint les conditions de réunion des collectifs. 
 

Après près de deux ans d’adaptation, d’improvisation et d’instabilité, les GEM ont appris à composer avec un contexte changeant : jauges d’accueil, gestes barrières, confinement,… Ces évolutions dans les modalités de fonctionnement des GEM ont des effets perçus comme étant plus ou moins durables sur la manière d’appréhender l’accueil et les interactions dans ces espaces.

 

Face aux contraintes sanitaires, quelles perceptions de l’esprit GEM et du rôle d’animateur ?  

Le GEM a cette spécificité de mettre la dimension du partage au cœur du projet associatif ce qui entre en contradiction avec l’isolement imposé par la pandémie. Comme tous les espaces collectifs, les GEM ont dû se plier aux règlementations imposées par le gouvernement. Les adhérents ont donc découvert un affichage des mesures de distanciation à l’entrée des locaux de leur GEM : interdiction des bises et des serrages de mains, jauge d’accueil,… Lorsque les activités au GEM nécessitent du matériel, celui-ci ne peut pas être manipulé par plusieurs personnes et doit donc être individualisé. Idem pour les goûter où les gâteaux distribués sont emballés individuellement.

 

S’agissant des animateurs, s’ils sont perçus au quotidien comme des personnes ressources, garantes du lien social et de l’accueil, le contexte sanitaire a quelque peu altéré leur rôle auprès des adhérents. En effet, dans un souci du maintien des règles sanitaires, les professionnels ont dû endosser le costume du « policier » en incarnant une figure parfois perçue comme « autoritaire ». Cela s’est traduit par une veille du respect du port du masque et un rappel systématique des règles de distanciation sociale. Ce rôle de contrôle concerne également la limitation de l’affluence avec pour conséquences le refus de l’accès au GEM et aux activités selon les jauges imposées. 

 

"Il fallait sans cesse s’inscrire et compter pour ne pas dépasser le nombre de personne maximum."
 

Animateur.trice GEM

 

Dans l’ensemble, ces règles de vie commune ont été relativement observées mais les animateurs évoquent des difficultés à incarner ce rôle qu’ils jugent en décalage avec l’image positive que les adhérents ont d’eux habituellement et avec l’esprit des GEM. Enfin, il est rapporté que l’une des difficultés était d’avoir à imposer des règles de façon unilatérale en rupture avec la dimension collective et coconstruite du GEM. Certains ont profité de la réouverture des locaux lors du premier déconfinement pour réaliser, avec les adhérents, une charte d’accueil du GEM. Cette approche coconstruite était une façon pour eux de rétablir une dimension collective et démocratique aux règles de fonctionnement en restituant aux adhérents leur pouvoir décisionnaire.
 

 

De l’improvisation à la compétence, les acquis de la période

Le contexte du confinement a poussé de nombreux GEM à s’outiller de manière à pouvoir communiquer à distance avec leurs adhérents. Tablettes, smartphones, ordinateurs portables ….. à l’image de la société, les Gem se sont adaptés à cette digitalisation des rapports et cela a perduré au-delà des périodes de confinement.

 

En effet, les animateurs ont observé de nouvelles habitudes d’entraide entre adhérents qui se tiennent informés de l’état de santé de leurs pairs dont ils n’ont pas de nouvelles ou bien des animateurs eux-mêmes. Certains ont tiré avantage de ce contexte particulier pour mettre en place des outils pérennes de communication. C’est le cas par exemple de GEM qui ont créé un blog en commun pour se tenir informés de l’actualité de chaque structure. Ces outils sont toujours actifs et désormais intégrés dans les outils à disposition du GEM.

 

Ces dynamiques d’apprentissage concernent également les règles de vie en commun. En effet, les réflexes sanitaires (notamment le lavage des mains) développés pendant cette crise sanitaire, ont globalement trouvé un écho positif auprès des adhérents.  

 

Enfin, il a été rapporté une plus grande ouverture des GEM vers les ressources extérieures. Les sites internet des municipalités, de l’UNAFAM ou encore du CNIGEM ont été fréquemment consultés pour se tenir informé de l’actualité (protocoles d’accueil. Dans une période où toutes les structures font face aux même contraintes, ces sources d’information permettent également de s’inspirer de pratiques innovantes de pairs à l’échelle nationale. De la même manière, la mise en place de nombreuses lignes d’écoute a permis aux GEM d’identifier des ressources jusqu’ici non mobilisées.

 

Mais des collectifs fragilisés par l’instabilité

De manière générale, les acteurs de l’animation en GEM sont parvenus à tirer des leçons positives de ce contexte contraignant qui a renforcé la cohésion des collectifs. Toutefois, ces professionnels rappellent la « fragilité » des GEM en ce sens où leur activité dépend en partie de l’accessibilité des ressources.

 

Les déconfinements devaient marquer un retour « à la normale » mais, en pratique, certains dispositifs (ex : centre sociaux) ne proposent plus les mêmes activités/services accessibles aux usagers impactant le dynamisme des GEM. À cet égard, les animateurs ont également du composer avec des adhérents qui ne disposaient pas de « pass sanitaire » et qui ne pouvaient donc pas participer à certaines sorties, dans certains cas restés peu fréquents. 

 

Enfin, il convient de mentionner que les collectifs de GEM qui ne disposent pas de leur local propre s’en retrouvent plus fragilisés encore et que le maintien de l’esprit de groupe à distance (ou en extérieur) est très difficile sur un temps long. 

 

Pour renouer avec leurs réseaux, les animateurs rapportent qu’un des leviers qui leur a permis revitaliser les GEM est la participation à des temps forts collectifs. Parmi les opportunités citées :

 

  • La participation aux Forums des Associations a été l’occasion pour les GEM de faire parler de leur association et éventuellement de repérer des adhérents et des bénévoles,
  • Les Journées Portes Ouvertes ont également été prisées en ce qu’elles permettent au GEM de s’ouvrir à l’extérieur et de retrouver sa dimension accueillante et conviviale,
  • Enfin, les Semaines d’Information en Santé Mentale (SISM)  ont été des opportunités pour parler de santé mentale et contribuer à la déstigmatisation des troubles psychiques. Certains GEM ont pu installer des stands dans des lieux ouverts (ex : place de marché) à cette occasion.

 

 

 

Mai 2022