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MSP : de la formation à la prise de fonction |
Entretien Anne Ernoult, Médiatrice de Santé Pair (promotion 2018), en poste en région Lilloise, dans un pôle de psychiatrie (CMP / HDJ / CATTP et intra-hospitalier).
Comment avez-vous entendu parler de la formation MSP ? Quelles furent vos motivations à intégrer ce cursus ?C’est une amie qui m’a parlé de cette formation. Ensuite, je suis allée sur le site internet du CCOMS* pour en savoir plus. Ma principale motivation, c’était de faire d’une expérience douloureuse autre chose, afin d’en tirer profit et de valoriser cette expérience singulière.
Comment décririez-vous l’enseignement proposé par cette licence ?D’abord, je dirais qu’on y apprend beaucoup de choses, soit par des cours magistraux, soit en ateliers. Par exemple, j’ai suivi des cours de sociologie de la pauvreté, de psychopathologie, de droit de la santé, de droits des usagers, d’économie de la santé… Ces cours éclairent l’organisation et le fonctionnement de la politique de la santé, de manière générale et de manière spécifique (à l’échelle d’un service, en France et à l’étranger), ce qui permet de mieux envisager ce qui est possible de faire… ou non. On apprend aussi des concepts comme la « pair-aidance », le « savoir expérientiel », le « rétablissement », on étudie l’évolution des paradigmes psychiatriques… Les cours sont illustrés par des expériences innovantes. Étant donné que l’expérience de terrain constitue la base de la formation, nous disposons aussi de temps d’échange sur les pratiques. La formation apprend à trouver la juste distance dans la relation d’accompagnement, afin de ne pas se mettre en danger sur le terrain et afin d’exprimer son vécu de façon judicieuse et appropriée selon les personnes à accompagner. On apprend à se familiariser avec la notion de secret partagé et surtout à expliquer ses missions à l’équipe. Globalement, l’enseignement est exigeant en termes d’investissement sur le terrain et d’écrits à produire.
Quel était le profil des étudiants de la formation MSP ?La promotion rassemblait des étudiants de tous âges, venus de toute la France. Vu que la formation est ouverte aux personnes ayant un bac+2, en poste, ayant suivi un programme de soin en santé mentale, nous avions l’opportunité d’échanger entre personnes ayant des pathologies différentes, avec chacune une expérience spécifique la prise en charge.
Quelles sont vos missions actuelles ?Je travaille dans différents services intra et extra hospitaliers (CMP, HDJ,CATTP…). Je participe aux échanges sur les activités thérapeutiques proposées, j’apporte de l’information et du soutien aux personnes accompagnées et, depuis peu, à leurs proches. Par identification positive, j’incarne le rétablissement aux yeux des personnes accompagnées et des équipes. Je favorise la déstigmatisation au quotidien. En parallèle, je contribue à la promotion de la fonction MSP et du rétablissement, ainsi qu’à la lutte contre la stigmatisation, au sein des services, dans des colloques ou dans des formations.
Quels obstacles rencontrez-vous dans votre fonction et dans vos missions ?La fonction de MSP est nouvelle, elle doit régulièrement être expliquée aux équipes. Si les équipes ne sont pas suffisamment sensibilisées et préparées, l’intégration d’un MSP peut être plus difficile. C’est un nouveau savoir qui peut faire peur, il faut que tout le monde intègre ces nouveaux paradigmes. La plupart du temps, s’il y a des obstacles, c’est qu’il y a un manque de communication ou qu’on n’a pas pris suffisamment le temps de respecter les étapes d’un projet. La fonction MSP apprend la patience... Par ailleurs, ce qui peut faire obstacle, c’est la précarité de la fonction qui est faiblement rémunérée (au bon vouloir de l’institution), c’est aussi la forme du contrat (souvent un CDD renouvelable).
Quel(s) conseil(s) donneriez-vous à un candidat pour la formation ?Il me semble essentiel d’être suffisamment rétabli pour entamer la formation, c’est-à-dire avoir pris de la distance et avoir bien digéré son propre accompagnement, par une psychothérapie ou par d’autres moyens. Il faut aussi bien se connaître pour ne pas aller au-delà de ses limites.
Avez-vous un message à faire passer ?Le métier de médiateur santé pair est en devenir. Il mérite d’être mieux connu. Il faut le promouvoir pour qu’il se développe. Son principal atout, c’est qu’il permet de donner la parole aux personnes qui traversent une difficulté et de les replacer au centre de leur prise en charge. Cela dit, quand on est MSP il ne faut pas oublier d’où l’on vient, il faut savoir rester humble et parfois se laisser surprendre pour permettre de faire évoluer les choses petit à petit… C’est un métier extrêmement riche que l’on peut co-construire selon les attentes d’un service, selon nos possibilités et nos envies. Au quotidien, pour moi, les questions essentielles sont : « Au fond, quels sont les besoins de la personne accompagnée ? » ou « Qu’est-ce que j’aurais aimé qu’on fasse pour moi lorsque j’étais en difficulté ? ». Ce métier est porteur d’espoir au travers de notre incarnation en tant qu’MSP auprès des personnes en souffrance. La présence du MSP les soutient dans la perspective de leur rétablissement, au-delà même de notre approche professionnelle.
* Le CCOMS, Centre Collaborateur de l’Organisation Mondiale de la Santé pour la recherche et la formation en santé mentale, est installé dans un EPSM (Etablissement Public de Santé Mentale) labellisé « Centre collaborateur » par l’OMS, déployé dans la métropole Lilloise. Il est composé d’une équipe de 25 personnes, ainsi que d’un réseau de personnes qualifiées et d’un conseil scientifique consultatif. Il est l’un des 800 centres dans le monde à mener des activités de soutien en faveur de l’OMS.
Pour en savoir plus :
Octobre 2020 |